La marque LOUBOUTIN, exploitée depuis 1992 par le chausseur Christian LOUBOUTIN, est mondialement connue pour ses chaussures de luxe aux talons vertigineux et aux semelles rouges. La petite histoire veut même que le célèbre chausseur ait eu l’idée de recouvrir les semelles de l’une de ses créations de vernis rouge en observant son assistante se faisant les ongles. C’est ainsi que Christian LOUBOUTIN a procédé au dépôt de sa marque figurative – la « RED SOLE MARK » – aux Etats-Unis, en 2008.
A plusieurs reprises, la maison LOUBOUTIN a dû défendre cette marque par des actions en contrefaçon. Cependant, le 11 avril 2011, ce n’est plus un petit atelier clandestin qui est en cause, mais la maison de haute couture française YVES SAINT LAURENT.
En effet, reprochant à YSL d’avoir copié sa fameuse semelle rouge et estimant que le public était dès lors induit en erreur, LOUBOUTIN l’a assigné en concurrence déloyale et contrefaçon de marque.
Cette action a été portée devant les tribunaux de New York puisque les modèles de chaussure litigieux de la collection Croisière 2011 d’YSL étaient uniquement disponibles aux Etats-Unis.
Selon les avocats de LOUBOUTIN, la semelle rouge constitue l’élément vital de l’entreprise, signe de reconnaissance des modèles de la marque.
Mais selon les avocats de la partie adverse, YSL a utilisé des semelles rouges dans ses collections dès les années 1970, bien avant que LOUBOUTIN ne dépose sa marque aux Etats-Unis. En outre, selon YSL, les semelles rouges seraient un attribut commun dans l’univers de la chaussure, remontant aux chaussures rouges portées par le roi Louis XIV. Enfin, la maison YSL rappelle que les modèles incriminés sont des modèles monochromes, entièrement bleus, verts ou rouges, et que l’intention des créateurs n’était donc pas celle d’imiter la signature de LOUBOUTIN.
Le 10 août 2011, les juges américains ont fait droit aux prétentions d’YSL, estimant que dans l’industrie de la mode, la couleur a des fonctions esthétiques et ornementales et qu’en vue de stimuler la concurrence, la couleur rouge de LOUBOUTIN ne pouvait faire l’objet d’un droit exclusif, une couleur ne pouvant être attribuée à une seule maison de couture. Il ne s’agit donc pas, selon les magistrats, d’un signe distinctif permettant d’identifier le produit.
Du point de vue du droit communautaire, ainsi que du droit interne, l’enregistrement d’une couleur à titre de marque est envisageable à certaines conditions. La couleur doit être distinctive, en ce sens, elle doit être utilisée dans une représentation graphique « claire, précise, complète par elle-même, facilement accessible, intelligible, durable et objective » (CJUE, 6 mai 2003).
En France, ont pu notamment être déposés : le jaune de M&M’S, l’orange d’HERMES et de la société ORANGE, ainsi que le bleu de PETIT BATEAU.
Attendons-nous donc à ce que LOUBOUTIN saisisse les juridictions européennes, afin qu’elles se prononcent sur la validité de sa marque figurative « RED SOLE », d’autant que l’OHMI a accepté récemment, par une décision du 16 juin 2011, l’enregistrement par la maison LOUBOUTIN de la couleur rouge (code Pantone n°18.1663TP) appliquée sur la semelle d’une chaussure.