L’arrêt du 6 décembre 2011 de la Cour d’appel de Paris vient conforter la position innovante de la Cour de Cassation depuis son arrêt du 29 mars 2011 concernant la question de la compétence des juridictions étatiques pour juger de sites internet. Depuis 2008 la société Maceo a reproché à eBay de publier sur son site eBay.com des annonces reproduisant sa marque « April 77 », en fraude de ses droits.
Pour se défendre, eBay Inc. invoquait la présence de son siège social et de ses serveurs aux États-Unis. En France, pour que les juridictions françaises soient déclarées compétentes, il faut que le site internet soit orienté vers un public français, ou qu’un lien de rattachement substantiel, suffisant et significatif entre les faits ou actes et les dommages allégués soit établi. L’accessibilité au site étant une condition nécessaire mais non suffisante, l’enjeu est donc de déterminer si le site eBay est destiné au public français en particulier.
Pour la société Maceo, le site de eBay cible bien le public français puisqu’il reste compréhensible et intuitif malgré la langue anglaise et que des photographies permettent par exemple de décrire visuellement le produit. La Cour d’appel de Paris en revanche retient que ces éléments traduisent certes une possible compréhension du site par le public français, mais pas une destination spécifique du site à ce public en particulier. Dans son arrêt du 6 décembre 2011, elle souligne plusieurs détails, comme la rédaction du site, ainsi que des cadres publicitaires en anglais, les prix indiqués en US$, les tailles américaines en « inches » et enfin la livraison possible dans le monde entier. Ces éléments traduisent, selon la Cour, le fait que le site n’est pas dirigé essentiellement vers le public français mais concerne un plus large public.
La Cour d’appel a donc déclaré le Tribunal de Grande Instance de Paris incompétent pour juger eBay Inc. des griefs qui lui sont reprochés. Elle confirme ainsi l’arrêt rendu par la Cour de Cassation le 29 mars 2011 dans cette même affaire et se place plus largement en accord avec la jurisprudence de la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE). Cette décision s’éloigne de la précédente jurisprudence de la chambre civile dans l’arrêt Champagne Roederer du 9 décembre 2003 qui avait retenu le seul critère de l’accessibilité au site et devrait donc limiter les compétences des juridictions françaises concernant certains sites internet étrangers.
6 janvier 2012