Face aux précédents jurisprudentiels , les participants aux émissions de télé-réalité n’hésitent plus à saisir les juridictions pour obtenir la requalification de leur contrat en contrat de travail et ainsi bénéficier des indemnités afférentes.
En l’espèce, 10 aventuriers de l’émission KOH-LANTA sur TF1 exigent la requalification de leur « Règlement Candidats » en contrat de travail.
En défense, les sociétés ALP et TF1 soutiennent que la jurisprudence de 2009 selon laquelle les participants à l’émission de télé-réalité de l’ILE DE LA TENTATION sont liés par un contrat de travail à la société de production ne peut trouver à s’appliquer, puisque l’émission KOH-LANTA est un jeu télévisé qui ne peut être associé aux émissions de télé-réalité telle que l’ILE DE LA TENTATION.
Cependant, la Cour d’appel de Versailles n’est pas de cet avis et a jugé que le jeu ne constitue qu’une partie du contenu de l’émission et que cette dernière doit dès lors être considérée comme une émission de télé-réalité. Elle ajoute que : « la spécificité de l’émission KOH-LANTA résulte de l’organisation d’épreuves d’élimination qui ne peuvent pas être considérées comme des épreuves sportives ou de jeu, en raison de l’absence de critères objectifs de sélection et d’organisation. » Il s’ensuit que la qualification du contrat de jeu a donc été écartée.
La Cour d’appel a estimé que tous les éléments constitutifs du contrat de travail se trouvent réunis pour requalifier les « Règlements candidats » en contrats de travail.
La nouveauté introduite par cet arrêt est la condamnation des défenderesses au paiement de dommages-intérêts pour atteinte aux libertés individuelles sur le fondement de la liberté d’aller et venir et du droit au respect de la vie privée prévu par l’article 9 du Code civil (interdiction de communication avec l’extérieur, interdiction du portable, interdiction de modifier son apparence physique entre le casting et le tournage, obligation de rester sur le site pendant toute la durée du tournage, passeport confisqué). Le montant de ces dommages-intérêts a été fixé à la somme de 6.000 euros par participant.
Néanmoins les aventuriers n’ont pas obtenu gain de cause sur tous les points.
Tout d’abord, la Cour a écarté l’application de la convention collective des artistes-interprètes en estimant que les participants à une émission de télé-réalité ne sont pas des artistes-interprètes faute pour eux d’exercer habituellement une telle profession. De plus, la Cour estime que bien qu’il puisse y avoir une œuvre préexistante (éléments de scénarisation et de répétition), les participants n’ont aucunement été engagés pour interpréter cette œuvre.
Ensuite, la Cour retient que les autorisations de diffusion et d’exploitation de l’image et du nom des participants sont valables puisque précises et limitées au programme TV en cause.
Enfin, la demande de dommages-intérêts pour travail dissimulé est écartée faute de caractériser l’intention de l’employeur de faire travailler les personnes qu’il sélectionne sans respecter les dispositions du code du travail. La Cour estime que la seule requalification du contrat en contrat de travail ne suffit pas à caractériser l’existence d’un travail dissimulé.
La requalification en contrat de travail et l’indemnisation pour atteinte aux libertés individuelles ont coûté cher aux sociétés ALP et TF1 (le montant total des indemnités est compris entre 13.000 et 18.000 euros par participant), mais il est surtout à souligner les limites de leurs revendications.
6 janvier 2012