Quelle est la qualification juridique du poker ? Est-il jeu de hasard ou un jeu d’adresse ?
Le débat est relancé à la suite d’un arrêt du 18 janvier 2013 dans lequel la Cour d’appel de Toulouse a jugé que le poker n’était pas un jeu de hasard : « le jeu de poker est marginalement un jeu de hasard, l’adresse étant prédominante dans la pratique. Le hasard joue pour le novice, il en est autrement pour le joueur habituel ».
La Cour d’appel vient de confirmer le jugement rendu le 20 juillet 2011 par le Tribunal de grande instance de Toulouse, qui avait relaxé quatre prévenus accusés d’avoir tenu une maison de jeux de hasard, à la suite de parties de poker organisées entre 2005 et 2006.
Sur ce point, la Loi du 12 juillet 1983 dispose que « le fait de participer, y compris en tant que banquier, à la tenue d’une maison de jeux de hasard où le public est librement admis, même lorsque cette admission est subordonnée à la présentation d’un affilié, est puni de trois ans d’emprisonnement et de 90.000 euros d’amende« .
Pour leur défense, les prévenus ont choisi non pas de contester d’avoir organisé de telles parties, mais de plaider que le poker ne serait pas un jeu de hasard et par conséquent ne serait soumis à aucune interdiction.
A ce titre, leur argumentation s’est fondée sur un jugement du 21 octobre 2010 rendu par le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand, qui avait indiqué que les gains issus de la pratique habituelle du jeu de poker en ligne sur internet étaient imposables dans la catégorie des bénéfices non commerciaux, dès lors qu’un tel jeu « ne pouvait être regardé comme un jeu de pur hasard eu égard à l’importance de la stratégie et de l’habileté requises pour sa pratique ».
Pour parfaire leur démonstration, les joueurs avaient appelé à la barre trois témoins : un joueur professionnel de poker, un champion de France d’échecs et de bridge ainsi qu’un docteur en mathématiques. Le mathématicien avait expliqué aux juges que la chance ne prédominait pas, que la richesse des combinaisons rapprochait le poker du bridge et que les qualités nécessaires de maîtrise, de ruse et d’opportunisme le distinguaient d’un pur jeu de hasard. Le champion d’échecs et de bridge avait exposé que les meilleurs joueurs étaient toujours gagnants sur le long terme. « Si vous apprenez le poker et que vous jouez contre moi, vous êtes sûrs de perdre« , avait-il mis au défi les juges.
Le récent arrêt de la Cour d’appel de Toulouse vient toutefois contredire un arrêt du 4 mars 2009 rendu par la Cour d’appel de Versailles dans lequel le poker avait été défini comme « un jeu de hasard raisonné ».
La jurisprudence est donc fluctuante sur la qualification juridique du poker.
Pour l’ARJEL, cette incertitude jurisprudentielle n’a aucune influence sur le poker en ligne. Le Président de l’ARJEL, Jean-Francois Vilotte, a ainsi précisé que cet arrêt ne concernait que le poker en dur. Il a également rappelé que l’offre de poker en ligne est prévue par la loi du 12 mai 2010 et nécessite donc l’obtention d’un agrément spécifique délivré par l’ARJEL.
Le Ministère Public a précisé qu’un pourvoi dans l’intérêt de la loi est toujours possible, qu’il n’est enfermé dans aucun délai et qu’il peut ainsi être formé à tout moment.
Affaire à suivre donc…