La vidéo de Vincent LAMBERT diffusée par ses proches : une atteinte à la dignité humaine ?

11 juin 2015 - MEDIAS

Par un arrêt du 5 juin 2015, la Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH) a validé la décision du Conseil d’Etat autorisant l’arrêt des soins maintenant Vincent LAMBERT artificiellement en vie, depuis 2008.

En réaction à cette décision, des proches de Vincent LAMBERT ont fait diffuser sur des chaînes de télévision et des réseaux sociaux, le 9 juin 2015, une vidéo troublante démontrant que son état lui permettrait encore de vivre.

Cette vidéo ayant entraîné de vives réactions, une plainte a été déposée anonymement le 10 juin 2015 devant le CSA, garant de la dignité de la personne humaine dans le domaine audiovisuel.

Faut-il considérer que ces images relèvent de la liberté de l’information du public ou portent-elles atteinte à la dignité humaine de Vincent LAMBERT ?

C’est à cette question délicate que devra répondre le CSA. En effet, à la différence par exemple de France 2 ou I- Télé, certaines chaines ont choisi de ne pas flouter le visage de Vincent LAMBERT.

1) Rappelons que l’article 9 du Code civil, relatif à la vie privée des individus et plus particulièrement au droit à l’image, dispose que toute personne dispose sur son image, attribut de sa personnalité, et sur l’utilisation qui en est faite, d’un droit exclusif, qui lui permet de s’opposer à sa diffusion sans son autorisation.

Cependant, ce droit ne peut être considéré comme absolu et doit nécessairement se concilier avec le droit à la liberté d’expression, garanti par l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH). En effet, il est de jurisprudence constante que le droit de l’individu sur son image peut céder devant la liberté d’informer.

Par ailleurs, la liberté d’expression et son corollaire, la liberté de l’information, se trouvent elles aussi limitées. En effet, le principe du respect de la dignité humaine, principe à valeur constitutionnel, empêche, dans certains cas, la transmission d’informations jugées « sensationnelles ».

En ce sens, il a pu être jugé que les proches d’une personne peuvent s’opposer à la reproduction de son image après son décès en raison d’une atteinte à la dignité de la personne humaine. En l’espèce, une photographie d’Ilan Halimi le représentant bâillonné et ensanglanté, avait été publiée sans autorisation.  La Cour de cassation a considéré que la publication de cette photographie dénotait une recherche de sensationnel et qu’elle n’était nullement justifiée par les nécessités de l’information. Ainsi, elle a jugé que l’atteinte à la dignité humaine justifiait que la liberté d’expression et d’information soit restreinte (Cass., Ch. Civ. 1ère, 1 juillet 2010).

A l’inverse, la Cour d’appel de Paris a considéré qu’un recueil de photographies de personnes handicapées prises sans leur autorisation, à des fins artistiques, n’étaient pas attentatoires à la dignité humaine. En effet, selon elle, la protection des droits d’autrui et la liberté d’expression artistique revêtent une identique valeur. Ainsi, elle a affirmé que « le droit à l’image doit céder devant la liberté d’expression à chaque fois que l’exercice du premier aurait pour effet de faire arbitrairement obstacle à la liberté de recevoir ou de communiquer des idées » (CA Paris, 5 novembre 2008).

2) Le CSA, quant à lui, doit veiller au respect de la dignité de la personne humaine et à la sauvegarde de l’ordre public dans les programmes audiovisuels conformément à l’article 15 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication.

Les chaînes de télévision sont soumises à des engagements déontologiques vis-à-vis du CSA et notamment celui du respect de la dignité humaine. En effet, chaque chaîne éditant un service de télédiffusion doit signer une convention comportant des engagements déontologiques.

Le CSA contribue ainsi au respect des droits de la personne relatifs à sa vie privée, son image, son honneur et sa réputation avec une mission de « maîtrise de l’antenne ».

Le CSA, saisi de cette affaire, devra donc statuer et s’interroger sur le point de savoir si une chaîne de télévision qui décide de ne pas flouter le visage d’une personne inconsciente et tétraplégique, est constitutif d’une violation du principe de la dignité humaine.

S’il considère que tel est le cas, les sanctions du CSA pourront aller de la simple mise en demeure de retirer le contenu litigieux jusqu’à des sanctions pécuniaires.

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