La fin du système de « notice and stay down » et le retour au système du « notice and take down » ?

30 juillet 2012 - NOUVELLES TECHNOLOGIES

La Cour de cassation est venue par trois arrêts rendus le 12 juillet 2012, mettre fin à une jurisprudence récente et constante qui imposaient aux hébergeurs, outre le retrait des contenus illicites qui leur étaient signalés (« notice and take down »), l’obligation d’empêcher leur réapparition sur les sites hébergés (« notice and stay down »).

En l’espèce, une photographie du chanteur Patrick BRUEL était accessible sur les sites Aufeminin.com et images.google.fr sans autorisation du photographe. Deux films étaient téléchargeables gratuitement sur le site video.google.fr, en l’absence de toute autorisation.

Le photographe et une agence de presse ont notifié les contenus illicites aux hébergeurs selon les formes prescrites par l’article 6.I.5 de la loi du 21 juin 2004 (dite LCEN), mais se sont aperçus par la suite que ces contenus étaient de nouveau en ligne sur les sites hébergés à des adresses différentes. Les demandeurs ont alors recherché la responsabilité des hébergeurs en saisissant le Tribunal de Grande Instance de Paris sur le terrain de la contrefaçon, selon les formes prescrites par la LCEN.

En dépit de l’absence de notification régulière, les juges du fond accèdent aux demandes en affirmant : « qu’il importe peu que cette œuvre soit accessible à partir d’une adresse différente de celle portée dans [la première notification], dès lors qu’il incombe au prestataire de service d’hébergement ayant reçu notification de l’œuvre à laquelle il est porté atteinte et des droits de propriété intellectuelle qui la protègent, de prendre les mesures nécessaires pour en assurer le retrait et pour empêcher qu’elle soit à nouveau mise en ligne » (cf. Cour d’Appel de Paris, 4 février 2011).

Autrement dit, les juges ajoutaient à la loi l’obligation pour les hébergeurs d’empêcher toute nouvelle mise en ligne d’un contenu illicite qui leur a été notifié une première fois.

Cette jurisprudence contra legem vient d’être cassée par la Cour de cassation qui estime que cette obligation d’empêcher toute nouvelle mise en ligne des contenus illicites, « aboutit à soumettre [les hébergeurs]à une obligation générale de surveillance des images qu’ils stockent […] ».

En effet, la LCEN ne soumet aucunement l’hébergeur à un régime général de surveillance, sa responsabilité ne pouvant être engagée qu’une fois qu’il est avisé des contenus illicites. Or, si l’hébergeur doit rendre impossible toute nouvelle mise en ligne de contenus (non signalés selon les formes prescrites par la LCEN), son contrôle n’est pas plus a posteriori, mais a priori, ce qui aboutit à le soumettre à une obligation générale de surveillance des contenus qu’il héberge.

Si la Cour de cassation a rétablit l’esprit de la LCEN, il convient néanmoins de tempérer ces propos, puisque les hébergeurs pourraient voir leur responsabilité engagée, non plus sur le fondement de la LCEN, mais sur celui de l’article L. 336-2 du Code de la propriété intellectuelle[1].

En effet, cet article dispose que le juge peut ordonner à la demande des titulaires de droits, de leurs ayants droits ou des sociétés de gestion collective, toutes mesures propres à prévenir ou à faire cesser une atteinte à un droit d’auteur ou à un droit voisin sur un service de communication en ligne (Internet notamment), à l’encontre de toute personne susceptible de contribuer à y remédier.

Sur ce fondement, les ayants droit estiment que les FAI, sites et moteurs de recherches doivent empêcher la réapparition et le référencement des contenus déjà dénoncés comme illicites. Ce blocage anticipatif est mis en avant par l’industrie du cinéma français contre plusieurs sites, FAI et moteurs. Ce dossier sera examiné le 15 décembre prochain par la Cour d’Appel de Paris. Affaire à suivre…

[1]Issu de la loi HADOPI du 12 juin 2009

mentions legales